Un amour fou

 

Jeanne de Castille, l'une des filles d'Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon est destinée à être l'héritière du plus grand empire au monde. Troisième enfant du couple après Isabelle, et Don Juan, mais aussi sœur de Marie ainsi que de Catherine d'Aragon qui deviendra l'épouse d'Henri VIII d'Angleterre.

Isabelle de Castille n'a donné à ses filles que le droit d'obéir, de prier, et de traverser les pièces du palais sans cesse différents. Il y a le plais Medina del Campo, Cordoue, Burgos, Valence, Valladolid, Madrid, Tolède. La Cour se déplace sans cesse, suivant l'infatigable reine. Jeanne ne craint pas sa mère, elle a appris à l'observer. Son père... Depuis son plus jeune âge, Jeanne lui voue un culte. Lorsqu'elle songe à lui son cœur se serre. Elle l'idolâtre, et entre eux une complicité rare à son adolescence.

Elle n'a que 13 ans lorsqu'elle est destinée à épouser l'archiduc d'Autriche, qui deviendra Philippe le Beau. Ils sont fiancés par leurs parents, Jeanne n'a jamais vu son futur mari. Elle en a imaginé les traits plus d'une fois. Leur union sera célébrée par procuration. Le contrat a été signé par leurs parents respectifs, où la mère de Jeanne et l'empereur Maximilien, père du futur marié, ont hâté les choses afin de s'allier en face des prétentions françaises.

Il est bien entendu question avant tout d'alliances géopolitiques. Jeanne n'est mariée que pour consolider des alliances politiques.

Lorsque l'union par procuration est enfin célébrée, Jeanne quitte l'Espagne et est envoyée dans la région des Flandres rejoindre un mari qu'elle ne connaît pas, une région qu'elle ne connaît pas, des gens inconnus également. La première fois que Jeanne rencontrera son mari, elle aura un coup de foudre immédiat pour le jeune homme. Un amour intense, un amour fou pour Philippe le Beau. Un amour qui deviendra alors une obsession maladive pour Jeanne.

Un amour fou qui ne sera pas réciproque du côté de Philippe le Beau. Jeanne sera délibérément écartée de tout, ne sera jamais tenue au courant d'aucune décision politique.

De son côté Jeanne ne ressent pas ce fait d'être écartée dans le sens où elle ne vit que pour l'amour qu'elle éprouve pour son mari, son existence entière n'est occupée que de son mari. La jalousie qu'elle éprouve envers son mari, qu'elle sait être volage et ayant des maîtresses, apportera au sein du couple une certaine violence.

Elle donnera plusieurs enfants à son mari, l'un d'eux deviendra celui que l'on connaît sous le nom de Charles Quint. Mais là aussi elle sera écartée d'eux. De son côté, Jeanne n'éprouve pas plus le besoin de voir ses enfants, tant elle voue sa vie à l'amour qu'elle porte à son mari. Un amour qu'elle ne reçoit pas en retour.

Toute sa vie durant, Jeanne ne sera entourée que de solitude, d'amour passionné non partagé. On la tient éloignée de tout, on la surveille, on l'enfermera même. On dit d'elle qu'elle est démente.

Pourquoi tant de haine ? Cette femme a t-elle méritée ce châtiment de solitude ?

Tant de solitude...

J'ai beaucoup aimé ce roman historique romancé. Je ne connaissais absolument rien de la vie de cette femme, Jeanne de Castille dite Jeanne la folle. Le synopsis m'a attirée, ainsi que l'époque et la vie de cette femme héritière du plus grand empire au monde. 

J'ai été captivée dès les premiers instants de lecture, totalement transportée fin XVème, et XVIe siècle. La vie de cette femme, reine d'Espagne, est une vie atypique. C'en était même troublant. Pourquoi tant d'acharnement envers cette femme, de la part de son mari, de son père, de son fils aussi. Tous l'ont utilisée pour leur propre compte. Une femme qui n'avait, elle, que de l'amour à donner. Mais un amour obsessionnel, un amour fou, dangereux pour elle et pour les autres. Quelle vie, mais aussi quelle tristesse... tant de solitude autour de cette femme mise de côté par ses proches, voir même enfermée. Une femme amoureuse, abandonnée par ses proches, trahie, trompée par son mari. Une femme qui peut facilement se laisser emporter par ses sentiments obsessionnels. De cet amour fou, Jeanne en souffrira. C'est à la fois malaisant, et à la fois on a envie de tourner les pages pour connaître sa vie. Une femme qui ne veut rien gérer, ni les actes politiques ni ses enfants, elle s'en fiche royalement. Une seule chose l'intéresse, l'amour pour son mari.

On découvre Philippe le Beau, son mari. Un homme attiré par la gente féminine. Un homme et un mari manipulateur. Un homme abjecte, qui n'a toujours pensé qu'à sa propre personne.

L'ambiance est magnifiquement mise en avant par l'autrice, talentueuse autrice de romans historiques. Elle nous fait revivre cette époque en Espagne, un siècle à la fois raffiné et on le découvre dans les tenues, les objets, et à la fois un siècle violent, celui de l'Inquisition où sur la demande des rois catholiques, Ferdinand d'Aragon et Isabelle de Castille, les parents de Jeanne, ont mené une répression des juifs convertis au catholicisme et qui continuaient à judaïser en secret.

Il y est question également de la colonisation des Amériques, avec Christophe Colomb. Et la Reconquista. Historiquement parlant ce roman est d'une grande richesse je trouve. 

On se plonge dans cette époque historique où les jeunes filles étaient mariées par leurs parents, souvent par procuration. Des mariages géopolitiques, pour contrer tel autre pays, pour gagner quelques terres de plus, pour gagner du pouvoir. 

On découvre plusieurs lieux spécifiques en Espagne, en Angleterre, en France. On voyage à travers les pages du roman. 

La plume de l'autrice est belle, on ressent son amour pour l'Histoire avec un grand H. Le roman est romancé mais les grands faits sont bien présents. Elle nous fait vivre les pensées de Jeanne, les complots de son mari et de ses proches. L'autrice nous fait revivre ces moments forts, parfois violents et emplis de tension. 

On a le coeur serré à la lecture de ce roman, sur la vie de cette femme entourée de solitude, trahie et trompée. 

Qu'a-t-elle fait pour mériter le châtiment d'être enfermée ? 

Je vous laisse le soin de le découvrir dans ce superbe roman historique.

Merci aux Editions L'Archipel pour cette lecture