lundi 11 avril 2022

La Vraie Vie





Un pavillon qui ressemble à tous ceux du lotissement "Démo". Quatre chambres. Celle de la narratrice, celle de son petit frère Gilles, celle de ses parents et celle des cadavres. Des sangliers, des cerfs, des têtes d'antilopes, gnous, quelques zèbres amputés du corps. Et dans un coin, une hyène. Tout empaillé. 

Le père est chasseur de gros gibier. Il pose sur les photos avec ses trophées, fier, son fusil à la main, sur des animaux morts. En dehors de la chasse, il a deux passions : la télé et le whisky.

La mère est transparente, soumise aux humeurs de son mari. Un mari dont elle a peur. Elle a une obsession pour le jardinage et pour les chèvres miniatures. Selon la narratrice, elle ne sait pas si sa mère a vécu avant de rencontrer son père. Depuis, cette femme s'est peu à peur remplie de crainte. En grandissant, la narratrice, s'est posé la question comment ces deux-là avaient conçu deux enfants. Son frère et elle. La principale fonction de sa mère au sein de la maison familiale est de préparer les repas. 

Derrière leur maison, le bois des Petits Pendus. Et si on le traverse, on arrive au labyrinthe de voitures cassées. Un lieu où il ne fallait pas se faire voir du propriétaire au risque de se faire courser. 
Un immense cimetière de métal. La narratrice aime bien cet endroit. Elle y emmène souvent son frère avec elle pour y jouer. On entend leurs cris, leurs rires de loin. Jusqu'à ce que le propriétaire de la casse de voitures surprenne les deux enfants. Là, il fallait se carapater vite fait.

Le rire de Gilles... 
Depuis ce jour où le marchand de glace est passé, s'annonçant avec la même petite musique habituelle, Gilles ne rit plus. Un tragique accident. 

Elle, la narratrice, 10 ans, voudrait remonter le temps et revenir à la vraie vie. Celle d'avant la tragédie. Redonner le sourire à son petit frère. 


Percutant !!

Voilà un récit initiatique percutant oui. C'est un premier roman, celui d'Adeline Dieudonné, jeune auteure Belge. Un roman sombre, glauque même, et vous ne ressortirez pas indifférent de cette lecture. L'innocence de l'enfance mêlée à la terreur.

Une famille qui pourrait ressembler à n'importe laquelle. Et pourtant. Un père qui ne voit et ne vit que par la chasse de gros gibiers. Il aime exposer ses trophées. Mais il ne chasse pas que le gros gibier...L'homme est violent. 
Alors pour sortir un peu de ce contexte familial amer, insupportable, noir, la narratrice et son petit frère tentent tant bien que mal à trouver un peu de candeur là où ils peuvent. S'amuser dans une casse de voitures, parler avec une femme étrange, et s'offrir un peu de tendresse sucrée avec une glace lorsque le marchand de glace s'annonce dans le lotissement. 

Jusqu'au jour où la tragédie arrive, jusqu'au jour où Gilles perd son rire. Alors notre narratrice, qui n'a que 10 ans, va tout faire pour retrouver leur vie d'avant.

Superbe roman initiatique, où notre jeune narratrice retrousse ses manches et pleine de courage va tenter le tout pour le tout. On sent en elle une rage de vivre, de survivre même au sein de cette famille où la violence inonde leur quotidien.

Les personnages sont extrêmement intéressants à suivre. On suit l'évolution de la narratrice, depuis ses 10 ans jusqu'à ses 15 ans. Elle est touchante, et puis on admire son courage et sa détermination.

Les lieux, décors, sont eux aussi glauques, je trouve. Ce pavillon d'un lotissement où tout se ressemble point par point. Cette casse de voitures juste derrière où les enfants jouent. Le nom de ce bois, le bois des Petits pendus.

Difficile de lâcher la lecture, le roman est court et j'en ai fait sa lecture d'une seule traite. Le roman est puissant, suffocant même. Impossible à lâcher. On est forcément secoué à la lecture du roman. On en ressort "coi". C'est à la fois poétique et on y retrouve même une certaine sensualité, et à la fois sombre, saisissant, cauchemardesque.

Une écriture magnifique où chaque mot transmet une émotion qui transpose une noirceur sociale où le drame est bien présent. Une écriture qui ne vous laissera pas indifférent, elle est sans concession, où l'innocence enfantine rencontre l'hostilité. Le choix de la narration est intéressant. Alors que l'on connaît le prénom de chaque membre de la famille, de chaque personnage du roman, un seul reste énigmatique pour le lecteur, celui de la narratrice. Peut-être parce que cela pourrait être n'importe quel enfant que l'on croise et dont on ne connaît pas la vie une fois rentré chez lui en somme...
On est saisi par les mots d'Adeline Dieudonné dès les premiers moments de lecture, et on reste captivé jusqu'au dénouement. 

Un moment lecture saisissant, dont on ne ressort pas indemne. 



3 commentaires:

  1. Une lecture qui m'avait déçue. J'en attendais plus.

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    1. Ah mince, c'est vrai qu'il y a eu tellement d'avis à sa sortie... J'ai essayé de faire abstraction de tout ce que j'avais pu voir à l'époque de sa sortie en avis. Du coup, le lire plus tard que tout le monde est peut-être pas mal aussi car j'ai totalement mis de côté ce que à l'époque j'avais pu entendre sur ce roman. Et pour moi ça a été une jolie découverte, et une lecture assez intense.

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  2. Lui aussi est dans ma PAL, j'en ai entendu énormément de bien !

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Merci de votre passage sur le blog !